
Les seniors doivent-ils boire du lait?
En allant faire des courses aujourd’hui dans un supermarché, je suis tombé sur une grande banderole « Vive le lait » à l’entrée du parking. Et sur une montagne de litres de lait dès l’entrée dans le magasin. LA Promo de la semaine. Et je me suis souvenu d’un article que j’avais découpé il y a longtemps, scanné et gardé depuis dans un recoin de mon ordinateur. Paru dans le FIGARO le 31/10/2014, il commentait une étude qui relevait un plus haut risque de fractures et de décès chez les personnes âgées buvant beaucoup de lait.
Cette promotion du lait est-elle donc un moyen détourné de nous envoyer manger les pissenlits par la racine avant qu’un coronavirus quelconque ne nous attrape?
Voyons cela. Le lait de vache est généralement présenté comme une source privilégiée de calcium, essentiel à la solidité des os. C’est ce que l’on nous dit à l’école et les publicités nous l’expliquent aussi, en long et large et en travers, depuis notre sortie de la maternité. Or une étude suédoise de grande ampleur a établi un lien entre une forte consommation de lait chez les seniors et un risque accru de fractures et de mortalité (autrement dit, « le lait tue », sans jeu de mot).
Cette étude publiée dans une revue de référence, le British Medical Journal, s’appuyait sur le suivi de plus de 60.000 femmes et 45.000 hommes. Les chercheurs de l’université d’Uppsala avaient croisé la quantité de lait, de yaourt et de fromage consommée quotidiennement par ces personnes avec l’évolution de leur état de santé.
Il en ressortait que les femmes consommant au moins trois grands verres de lait par jour ont un risque relatif de décès de 90 % plus élevé et un risque de fracture de la hanche de 60 % plus élevé par rapport à celles qui boivent moins d’un verre par jour. Pour les hommes, le lien statistique entre une grande quantité de lait consommé et risque de décès est également observé, mais de manière beaucoup moins prononcée, tandis qu’aucun lien n’est observé pour les fractures.
Stress oxydatif
Même si les auteurs insistient sur la grande prudence avec laquelle ces résultats doivent être accueillis, car il ne s’agit que d’un lien statistique, ils avancaient tout de même une explication. Le lait, à la différence du fromage, du yaourt ou du lait fermenté, contient du lactose, qui est transformé au niveau de l’intestin en D-galactose. Or il a été montré sur l’animal que le D-galactose accélère le vieillissement cellulaire (c’est ce qu’on appelle le stress oxydatif) et favorise une inflammation chronique. Des mécanismes associés à une augmentation du risque de maladies cardiovasculaires et de cancers, mais aussi de perte de la densité osseuse. D’autres aliments comme les céréales, les fruits et légumes apportent également du D-galactose, mais en bien moindre proportion.
À l’inverse, les chercheurs ont observé que les femmes qui consomment beaucoup de fromage et produits à base de lait fermenté ont un taux de fractures plus faible que celles qui en prennent peu. Contrairement au lait, ces produits n’augmentent pas le risque relatif de stress oxydatif et d’inflammation chronique.
Trois produits laitiers par jour
Pour le Dr Jean-Marie Bourre, membre de l’Académie nationale de médecine et auteur du livre Le lait: vrais et faux dangers (Odile Jacob), ce travail, «en contradiction avec une vingtaine d’études précédentes», présente des failles. D’une part, «la consommation «élevée» sur laquelle se basent les conclusions de l’étude correspond à plus de 830 g de lait. C’est huit fois la consommation moyenne française actuelle, qui tourne autour de 100 grammes par jour», explique-t-il. Par ailleurs, «les auteurs ne prennent pas en compte le fait que le lait, dans les pays nordiques, est souvent suppléé en vitamine A. Or une trop forte consommation de cette vitamine a déjà été associée avec un sur-risque de certains cancers».
Pour le Dr Bourre, écarter le lait de notre alimentation quotidienne serait «une aberration totale». Il recommande la consommation quotidienne de trois produits laitiers, par exemple une combinaison d’un verre de lait de 25 cl (entier, demi-écrémé ou écrémé, au choix), d’un yaourt et d’une part de fromage (un huitième de camembert). «Il est vrai que l’on trouve du calcium dans d’autres aliments comme les sardines ou le chou, mais ceux-ci ne permettraient de couvrir que 50 % de nos besoins journaliers. A titre d’exemple, il faut un kilo de chou pour obtenir l’équivalent en calcium d’un verre de lait». Cela dit, si vous aimez le chou au point d’en manger un gros chaque jour, libre à vous. Un yaourt parait cependant plus léger et plus digeste.
Modération et alimentation équilibrée
Si vous buvez chaque jour un bon litre de lait, vous voilà statistiquement averti. Si vous aimez le chou aussi ! Et si vous aimez varier les plaisirs, un peu de chou, un verre de lait, un yaourt et un peu de fromage, vous aurez une alimentation équilibrée, votre corps sera content et vous remerciera en ne se cassant pas. Quant à mourir, cela nous arrivera tous un jour, mais ce sera en bonne santé …..
Et voici notre conseil du jour : Ne vous précipitez donc pas sur la SUPER PROMO du lait, laissez la aux jeunes qui ont encore les os solides et faites un tour au rayon des yaourts (et du chou?).