6 mai – J48 – 21 kms – Temples 84, 85 et 86
Une animation peu ordinaire nous accueille au petit déjeuner. Un groupe de quatorze brésiliens en randonnée à Shikoku pour deux semaines avec leur guide brasilo-nippone envahissent littéralement l’espace, physiquement et phonétiquement. Nous avions perdu l’habitude d’un tel niveau sonore.
Nous les croiserons de nombreuses fois durant la journée dans les trois temples du jour. La plupart marche mais certains sont transportés en voiture. Quel plaisir de retrouver cette langue brésilienne chaleureuse, chantante et de converser avec quelques-uns de ces henros brasileiros.
Nous quittons enfin la ville après avoir remonté une de ces longues galeries commerciales, fréquentes dans ces villes de Shikoku. Elle est déserte à cette heure matinale et, oh surprise, coupée par la voie du tram en son milieu.
Et puis ce sont quelques kilomètres de route bien passante avant de se hisser au temple 84, à 280 mètres au-dessus du niveau de la mer, par une piste bitumée qui grimpe quasi à la verticale par endroits.
Nous arrivons en nage mais quel beau temple où le rhododendron a été élu prince des lieux. Certains monastères déclinent ainsi dans leurs jardins une essence spécifique, nous avons ainsi eu droit au temple-cerisiers, au temple-camélias, au temple-pins, au temple-rhodos, au temple-pivoines….
Le temple 84, Yashima-ji, « Ile du Toit »
Ce temple offre une vue imprenable sur la mer intérieure de Seto et Takamatsu. M. et Mme Tanuki, immenses statues de pierre, encadrent l’entrée d’un écarlate tori shinto de cette couleur vermillon caractéristique. Le tanuki, animal entre le raton laveur et le blaireau, est omniprésent sur ce chemin de pèlerinage dans les établissements religieux, comme dans les jardins des maisons privées ou devant les magasins. Il fait partie de ces créatures surnaturelles des folklores japonais appelées Yokai. Celui-ci est symbole de richesse et il est sensé porter chance. Toujours représenté avec un chapeau de paille, une gourde de saké, un ventre énorme et des testicules de taille considérable pour la version masculine.
Nous redescendons de l’autre côté, toujours quasi à la verticale.
Et nous nous offrons un pique-nique royal avec sushi, maki, tomates bien juteuses, fromage et mandarines avant de remonter dans le même style chemin de croix les 300 mètres abrupts qui mènent au sommet du Mont Goken où se trouve le temple 85
Le temple 85, Yakuri-ji
Il y règne une belle ambiance. Sur les marches du temple principal, un vieux japonais égrène ses prières pendant que son chien, sagement immobile à ses pieds inspecte l’environnement.
Le cracheur d’eau de la fontaine purificatrice n’est point un dragon cette fois-ci mais un drôle d’animal à la gueule indéfinissable
et le motif du noren d’un des halls de prière représente deux superbes navets entrelacés.
Les hauts de colonne de la charpente sont surmontés de belles têtes polychromiques de ces animaux mythiques si variés dans le folklore japonais.
Nous prenons une photo avec ce couple de brésiliens avec lequel nous avions échangé ce matin et vite nous repartons, le temps est en train de changer et la pluie est annoncée. Fort heureusement, il ne nous reste plus que six kilomères. En chemin, nous ne pouvons résister à un petit stop dans le bar attenant d’un « dog-run » où nous accueillent deux charmantes jeunes-filles qui nous offrent thé et biscuits-maison comme o’settai, refusant que nous réglions nos consommations.
Les yukatas bleus de l’auberge du soir
Nous atteindrons notre ryokan avec les premières gouttes de pluie. Une belle maison traditionnelle de bois avec ses galeries couvertes s’ouvrant sur des patios intérieurs, tenu par un couple de personnes âgées. Dans notre chambre, deux yukatas bleus sont impeccablement repassés et amidonnés présentés chacun dans son plateau.
Il est à peine 16h, nous nous délestons de nos sacs et repartons pour le temple 86, à proximité, niché comme très souvent dans son écrin de verdure.
Le temple 86, Shido-ji, « Remplir ses vœux »
Nous y reviendrons tranquillement demain, car nous nous accordons une journée de repos avant d’entamer la dernière ligne droite de notre pèlerinage.
Ce soir : 1 127 kms au compteur, et il ne reste plus que deux temples où rendre hommage à Kukai.