8 mai – J50 – 20 kms – Temples 87 et 88
Et voici venu le dernier jour de marche pour atteindre le Temple 88 qui est censé être l’apothéose de notre cheminement. Il faudra tout de même ensuite revenir au temple 1 pour parachever ce pèlerinage, ce qui signifie deux jours supplémentaires de marche.
Nous croisons comme souvent des enfants en route pour leur école, tous dans des uniformes impeccables. Ceux-ci sont des tout-petits, marchant à pied, un petit chapeau jaune sur la tête, ils sont trop mignons ces gamins. J’adore leurs cartables, toujours les même, sacs à dos façon mini-valises en simili cuir qui se déclinent en différentes couleurs selon les classes ou les écoles. Les collégiens sont le plus souvent à vélo, sapés comme des milords avec des uniformes d’un classicisme inouï, jupe plissée en dessous du genou, veste et chemisier blanc pour les filles, costume cravate pour les garçons. J’aimerais bien voir comment ils s’habillent le we ces jeunes.
Le temple 87, Nagao-ji
Il est quasi désert. Cela fait un bien fou de retrouver le calme de ces sanctuaires après la foule croisée durant la Golden Week.
Nous cheminons ensuite sur des petites routes au milieu des rizières et des serres.
L’une d’entre elles abrite une culture de magnifiques orchidées blanches.
Nous voici devenus « pèlerins diplômés »
Quelques kilomètres avant l’ultime temple, nous devons nous arrêter au « Henro Saron », halte indispensable ! Notre ami Okada nous l’avait recommandée. C’est là que nous recevrons notre diplôme de pèlerin de Shikoku. Nous y sommes accueillis comme des rois ! Oh que c’est agréable et gratifiant de voir ses efforts reconnus et appréciés à leur juste valeur !
Nous sommes tout d’abord conviés à nous asseoir, une jeune femme nous sert du thé et des petits gâteaux, nous pose les questions traditionnelles : d’où venez-vous… Puis nous remplissons un questionnaire pour décliner notre identité, nos coordonnées pour recevoir enfin un superbe diplôme et sésame nous faisant officiellement « des ambassadeurs du pèlerinage de Shikoku et les dépositaires d’une mission de rayonnement à son égard ».
Ce bureau abrite également un musée sur l’histoire du pèlerinage. Nous nous contenterons d’admirer les objets et photos exposés, tous les textes étant exclusivement en japonais. Une impressionnante maquette de l’île de Shikoku trône dans le hall d’entrée avec tous les temples que nous avons traversés, où nous avons déposés nos pensées, nos bâtonnets d’encens…. Quel relief impressionnant, une multitude de montagnes se dressent comme surgissant des profondeurs des mers qui sertissent l’île. Nous revoyons tous ces temples perchés sur leurs sommets que nous avons gravis durant ces dernières semaines, tous ces cols franchis pour y parvenir, tout ce chemin parcouru… Je me sens tout à fait héroïque ! Cela fait beaucoup rire Bernard.
Nous immortalisons ces merveilleux instants passés avec ces trois adorables bénévoles qui nous ont accueillis par quelques photos et puis c’est le traditionnel Sayonara et l’incontournable Kyo Tsukete.
Revigorés par cette halte, nous repartons, nos précieux diplômes précautionneusement emballés et chargés sur le sac de Bernard. Nous recevrons le soir même une photo de nous deux prise de dos par une des dames lorsque nous traversions la route en quittant le « Henro Saron ». Cette attention nous a beaucoup touchés.
L’HORREUR en chemin
Avant d’entamer l’ascension vers notre ultime temple, nous pique-niquons sur un banc au soleil devant les quelques magasins et restaurants installés juste en face du centre qui délivre les certificats-sésame. En musique de fond, une succession de tous ces airs de carillon entendus durant notre périple, sonnant à midi pétante et à 17h en pleine campagne. Nous avons même droit à l’Hymne à la Joie, tout à fait de circonstance en ce jour et cette heure.
Nous repartons le pied léger et le cœur pétillant vers le col du Mont Nyotai à 776 mètres. Et là, adieu notre enthousiasme…. deux serpents dans le premier quart d’heure de marche ! L’horreur !!! Finalement le bitume a ses avantages… et juste avant de croiser ces horribles bestioles, un grognement de sanglier à proximité…
Bernard passe en tête, fourrageant allègrement le sentier avec son bâton. Je le suis comme son ombre, les yeux rivés sur mes chaussures. Le sentier grimpe bien raide, 300 mètres de dénivelé sur 1 km, se terminant par de la quasi escalade dans les rochers.
Comme d’habitude, c’est la grande solitude qui se clôture superbement au sommet par un panorama à l’infini.
Nous basculons sur l’autre versant, redescendons 300 mètres et arrivons au tout dernier temple du pèlerinage.
Le Temple 88, Okubo-ji.
Nous y liquidons presque notre stock de bâtonnets d’encens, un pour tout le monde, toute la famille et les amis y passent ! Un majestueux ginkgo biloba avec ses jolies feuilles telles des éventails est ceinturé d’une belle corde en paille de riz symbolisant son caractère sacré. A l’arrière des deux sanctuaires, un temple de verre abrite des bâtons déposés par les pèlerins parvenus au terme de leur cheminement. Bernard avait l’intention d’y laisser le sien mais le lieu ne lui plait point.
Quant à moi, j’espère bien ramener ce fidèle compagnon de voyage en France, je l’imagine très bien dans le grand pot en céramique dans l’entrée de notre maison. Ce dernier sanctuaire mérite bien un selfie….
Notre hébergement se trouve juste à la sortie du temple. Nous sommes accueillis par une mamie qui marche à peine et pourtant se hisse péniblement dans les escaliers menant à l’étage pour nous conduire à notre chambre. Et pour ne pas faillir au rituel, nous sommes expédiés illico au furo. Sa fille est gérante des lieux et sa petite fille est championne olympique de softball !
88 temples et 1147 kms à notre compteur ce soir. Il nous reste à boucler la boucle en revenant au Temple 1. Deux jours de marche tranquille en perspective.
Quelques mots sur l’auteur
Le 20 mars 2019, Catherine, co-fondatrice de CouleurSenior, s’engageait avec son mari dans une longue marche, le Pèlerinage de Shikoku, une île au sud du Japon. Ils ont 63 ans chacun, n’ont jamais vécu au Japon, ne parlent pas japonais, ne sont pas bouddhistes. Bien que marcheurs réguliers, ils ne se sont jamais lancés sur une si longue distance : 1 200 km sur un circuit historique de 88 temples.
Dans cette période actuelle de confinement, Catherine nous a proposé de partager au jour le jour leur aventure. Exactement un an après, suivons leurs pas et découvrons avec eux cette île et le quotidien des pèlerins. Ils ont atteint aujourd’hui le Nirvana promis aux pèlerins qui atteignent le quatre-vingt-huitième temple.
Grosse frayeur pour moi devant cette fameuse escalade, j’étais seule, il faisait déjà nuit et j’étais persuadée d’avoir fait fausse route. Je suis donc redescendue et ne voyant aucun autre chemin, je suis remontée… .et c’est là que j’ai vu les accroches dans les rochers pour se hisser !…la descente ensuite s’est faite à la lampe frontale, je n’en menais pas large.