17 avril – J29 – 14,5 kms
Nous prenons une dernière photo souvenir devant le joli noren vert de notre ryokan avant de remonter la rue tranquille qui longe la rivière dont le parapet s’orne de belles jardinières fleuries. En chemin un groupe d’écolières en uniformes accepte de se faire prendre en photos par les gaijin de passage, toutes excitées de l’évènement.
Nous prévoyons une petite matinée de marche seulement afin de faire un peu de tourisme à Uwajima où notre guide nous signale un château du 16ème siècle et un jardin botanique. Cela fera du bien au pied de Bernard, toujours en souffrance. Afin d’éviter la traversée d’un tunnel routier de 1,7 km, nous choisissons une petite grimpette en forêt avec 250 mètres de dénivelé, où comme d’habitude, nous ne rencontrons personne sur le chemin.
O-settai dans l’abri pour pèlerins et retrouvailles italiennes
Au sommet, nous nous offrons une halte dans une hutte de henro. Ces cabanes-abris pour haruki-henros jalonnent ce pèlerinage, ce sont toujours des constructions en bois ravissantes où l’on trouve parfois des coussins, un livre d’or où chaque pèlerin de passage peut écrire quelques mots. Certains marcheurs choisissent de passer la nuit dans ces huttes certes accueillantes mais ouvertes sur l’extérieur et au confort très spartiate.
Dans le cahier de celle-ci, nous découvrons un message de Marcello, notre jeune ami italien rencontré au tout début de ce voyage. Il nous a mis une semaine dans la vue, sacré Marcello. Je l’imagine parfaitement dormir quasi à la belle étoile en ce lieu au sommet de la montagne. Après un an à Sapporo, il ne supportait plus d’être enfermé, il ne rêvait que d’extérieur.
Bernard décide d’abandonner ici ses chaussures responsables de son orteil mal en point. Et comme elles sont en bon état, il les emballe proprement, ajoute un petit mot et en fait cadeau à un éventuel marcheur intéressé qui passera par là et qui, par chance, aura la même pointure que lui. O-settai !
Promenade de dames
Nous redescendons dans la plaine, préférant les circuits secondaires qui, certes, rajoutent quelques kilomètres mais nous permettent d’échapper aux grands axes routiers. Sur une de ces petites routes, deux petites dames chapeautées et gantées de blanc nous précèdent marchant d’un bon pas malgré le traditionnel genu varum que présentent 90% des vieilles et moins vieilles dames ici. Ayant recherché une explication à la fréquence inouïe de ce signe clinique, j’en conclus que des générations entières ont souffert de rachitisme infantile dans ce pays, aggravé par des pieds plats congénitaux et par la position assise que les femmes prennent dès le plus jeune âge : genoux repliés, fesses posées sur les talons aplatis au sol. Une position torture pour nous occidentaux !
En attendant nos deux petites mamies trottinent allègrement devant nous tout en papotant. Je me demande où elles vont ainsi, leur panier sous le bras, au supermarché local ? Déjeuner chez une amie ? Nous ne le saurons pas, nos chemins se séparent et, pour nous, c’est l’entrée dans Uwajima au travers de zones commerciales qui n’en finissent plus, comme chez nous.
Déjeuner, trop bon, de nouilles « udon »
Les abords des grandes villes sont des cauchemars pour les piétons. Mais chance, voici un restaurant d’udon fort sympathique. Nous adorons ces grands bols de nouilles dans un bouillon chaud avec divers assortiments au choix. Nous remontons ensuite une longue allée commerçante couverte, un peu déserte à cette heure-ci pour rejoindre notre hôtel.
Le château du Shogun d’Iwajima
Et comme nous sommes en manque de marche, nous revoilà partis pour visiter le fameux château de la ville datant du XVIème siècle, un des rares châteaux du Japon ayant résisté aux incendies couramment destructeurs de ces vestiges du passé.
Construit au sommet d’une colline haute de 76 mètres, il offre l’aspect d’une forteresse perdue au milieu de la nature. On y accède via un chemin de pierre, à travers une végétation touffue. En haut, le donjon de bois environné d’arbres, avec en arrière-fond la montagne, donne aisément l’impression d’être perdu en solitaire dans le Japon de l’époque Edo. Ce château fut édifié par Takatora Todo, un de ces fameux shoguns, ces chefs militaires héréditaires qui ont régné sur le Japon durant plusieurs siècles. L’intérieur ne présente pas grand intérêt en dehors de la vue sur la ville et la baie depuis le dernier étage auquel on accède par un escalier de bois à la hauteur de marche complétement démesurée.
Nous redescendons par une autre voie le long de ces superbes murailles typiquement japonaises, « musha-gaeshi », ces murs incurvés comme des éventails faits d’un savant empilement de pierres, le tout sans mortier afin d’assurer une certaine souplesse à l’ensemble pour mieux résister aux tremblements de terre. Une partie de ces murs au fil du temps s’est végétalisée de mousse.
Le jardin botanique Tenshaen
Le jardin botanique Tenshaen est un autre centre d’intérêt de la ville, réputé pour sa collection de bambous, quatorze espèces différentes, ses glycines, ses iris et ses orchidées. Il est encore un peu tôt dans la saison pour les iris et les orchidées. Architecturé autour d’un étang où se reflète la traditionnelle maison de thé, ce jardin est ravissant. Assis sur des bancs, face à l’étendue d’eau, une ringuette d’hommes japonais en costume-cravate, certains bras croisés, sont en pure et simple contemplation devant le paysage qui s’offre à eux. D’autres ont encore la tête au bureau, les yeux rivés sur l’écran de leur portable.
Des bouquets de bambous de couleurs variés bordent l’étang, offrant des points de vue au travers de leurs troncs verts, jaunes et noirs. Deux jeunes filles nourrissent les énormes carpes qui frétillent dans l’eau. Une superbe glycine blanche habille une arche en bois qui enjambe l’étang, son image en miroir se reflète dans l’eau. On se croirait dans un tableau de Monet ! Un jardin où tout a été réfléchi, pensé, où chaque arbre a été taillé, torturé, chaque pierre agencée, chaque point de vue travaillé, architecturé… Bref, où rien n’est naturel et pourtant il ne se dégage qu’harmonie, sérénité, quiétude. Le regard devient contemplatif comme devant un tableau. Même les palissages réalisés en bambous assemblés et noués ensemble avec du cordage noir sont beaux. Nous déambulerons avec un immense plaisir dans cet échantillon de l’art du jardin japonais.
Pour le dîner, la spécialité locale et un délice de pâte de haricots rouges
Sur notre chemin de retour, nous faisons un stop au Hermé local (pâtissier de luxe parisien) qui fabrique un seul produit depuis 150 ans, les « an ». Ce sont des petits gâteaux faits de pâte de haricots rouges, mais pas n’importe quel haricot ! Le Azuki Bean venant d’Hokkaido, l’île la plus au nord du Japon qui renferme les plus vastes étendues naturelles du pays, une sorte de Sibérie nippone. Et comme d’habitude, ces friandises sont superbement emballées. Nous en achetons trois pour notre dessert du soir.
Pour le dîner, nous succombons à la spécialité locale, le hyugameshi, fines lamelles de snapper (vivaneau. Poisson proche de la dorade, au goût très fin) en sashimi nappées d’une sauce à base de soja, œuf cru, saké et mirin… Le tout froid servi sur du riz bien chaud : intéressant, dirons-nous…. pas vraiment inoubliable.
Nos tentatives pour réserver l’hébergement de demain sont infructueuses. Il semblerait qu’il y ait du monde autour du temple 43.