16 avril – J28 – 26 kms – Temple 40
Une journée variée en perspective, avec du bitume le long d’une nationale, du dénivelé dans la forêt et des vues sur la côte. Mais elle démarre par une mauvaise nouvelle.
Jour de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame
La journée commence tristement en apprenant l’incendie de Notre-Dame par un message reçu sur mon téléphone portable via le compte de messagerie familiale. Quel gâchis ! Me reviennent en mémoire tous ces moments passés sur le quai d’Orléans lorsque nous habitions, jeunes mariés, un tout petit appartement sur l’île Saint Louis, à admirer cette cathédrale de dos avec sa belle flèche. Et combien de fois avons-nous traversé ses jardins et levé un regard émerveillé sur cet ensemble architectural. Difficile d’imaginer que tout cela soit parti en fumée.
Les quelques japonais qui partagent notre petit-déjeuner nous présentent leurs condoléances !!! Ils nous disent combien ils sont désolés et tristes. J’avoue être très surprise de ces messages spontanés de compassion vis à vis de cette cathédrale lointaine ne représentant pas grand-chose dans leur culture. Il est vrai que c’est un établissement religieux et que nous sommes ici parmi des personnes en démarche spirituelle. Mais leurs temples à eux ont tous quasi été victimes d’incendies au cours des siècles et ils les reconstruisent inlassablement.
Le Temple 40, Kanjizai-ji
Belle lumière matinale au Temple 40, Kanjizai-ji, temple le plus éloigné du temple 1.
Dorénavant, nous allons lentement nous réacheminer vers le commencement de ce périple. Aujourd’hui nous avons organisé le transfert d’un de nos sacs directement à notre prochaine étape. Certes du dénivelé nous attend mais surtout Bernard a un orteil qui est très fâché avec ses chaussures. Depuis quelques jours il souffre et son aspect n’est pas très beau à voir. Nous n’avons pas grand-chose sous la main pour le traiter. Il décide donc d’abandonner ses grosses chaussures de marche pour celles du soir, plus légères, dans lesquelles il se sent nettement mieux.
Après le calme, retour au monde moderne
Les dix premiers kilomètres, le long de la Route 56 qui a succédé à la 55, ne sont pas marrants du tout. 2h30 dans le bruit infernal de la circulation avec le sentiment de respirer à pleins poumons des gaz d’échappement et, lorsqu’un camion nous double, la sensation désagréable d’être emporté par l’appel d’air. Bref la Phase de l’Illumination débute plutôt mal.
Puis la montagne et la découverte de la mer Uwa-Kai
Enfin, l’embranchement du Kashiwazaka trail apparait. Nous allons par cette voie franchir le col à 500 mètres d’altitude. Et, tout de suite, le bonheur du calme absolu, de la grande solitude et des sentiers forestiers retrouvés. Ça monte bien raide mais c’est tellement plus sympa que cette fichue 56. Parvenus au col, nous découvrons la mer Uwa-Kai, toute lisse avec quelques îlots épars qui ressemblent à des ailerons de requin. Rien à voir avec le Pacifique que nous avons quitté après l’avoir eu comme compagnon durant des centaines de kilomètres. J’en ai déjà la nostalgie !
Près du rivage, s’éparpillent en surface d’innombrables flotteurs appartenant sans doute à des fermes marines d’élevage de coquillages.
Nous basculons de l’autre côté de la montagne, la descente est longue mais agréable.
Notre étape du soir, avec un voisinage de belles maisons anciennes
Nous terminons la journée sur une petite route tranquille jusqu’à Iwamatsu où nous attend notre ryokan Ohata, sur les bords d’une belle rivière. Des demeures anciennes et de vieilles boutiques jalonnent les rues de cette petite ville au charme désuet.
Et un dîner tôt, tous côte à côte, au ras du sol
Notre auberge nous accueille avec son joli noren de couleur verte à l’entrée, établissement d’un standing un peu plus convenable que les deux précédents.
Notre chambre donne sur un joli jardin japonais. Mais dès arrivés, il faut obéir aux ordres : au bain ! Et le dîner, normalement prévu à 18h, ce qui est déjà bien trop tôt à notre goût, démarre à 17h30 ! Ces horaires sont mortels.
Sortie pour mettre en route notre lessive, machines à laver et sèche-linge sont très souvent à l’extérieur, je m’attarde à contempler la belle lumière du soir sur la rivière. Il serait fort agréable de flâner à cette heure de fin d’après-midi et d’aller prendre l’apéro sur une terrasse… mais ici, à Shikoku, pas de bar, encore moins de terrasse ni d’ « apéro-time » ! A la place, nous nous installons au ras du sol le long d’une grande table parmi de nombreux japonais, que des hommes comme d’habitude, dans une pièce où les volets intérieurs ont été précautionneusement tirés plutôt que de laisser cette belle lumière de fin de journée inonder la salle à manger ! Cet acharnement à se protéger de la lumière reste un grand mystère pour nous.
Depuis le temple 40, nous sommes supposés être dans la phase de l’Illumination de notre pèlerinage après les phases de l’Eveil et de l’Entraînement Ascétique. J’avoue bien humblement ne pas avoir noté une grande évolution dans mon état mental et spirituel… Je remarque seulement que je suis physiquement plus en forme qu’au début. Quant à Bernard, ses pieds ont nettement apprécié le changement de chaussures.