28 avril – J40 – 26 kms – D+ 850m, D- 850m – Temples 60 et 61
Nous quittons sans grand regret notre mamie autoritaire qui, sans doute pressée de ranger sa maison ou de se débarrasser de ces étrangers, avait, pendant que nous prenions le petit déjeuner, remis en ordre notre chambre sans même attendre que nous ayons vidé les lieux ! Une camionnette conduite par un de ses amis charge nos sacs. Bernard porte le strict nécessaire pour la journée. Je me sens des ailes de démarrer ainsi en toute légèreté, il fait beau et nous sommes plein d’enthousiasme pour démarrer cette nouvelle journée.
Le monastère 60 à 750 mètres d’altitude fait partie de ces quelques temples dits « culbuteurs de pèlerins ». Il est soi-disant le plus difficile d’accès. Voici ce que nous promet notre livre-guide : départ du niveau de la mer, une belle montée bien pentue, suivi d’une descente tout autant avec un petit sommet intermédiaire avant de rejoindre le niveau de la mer :
Un peu de route et de civilisation avant la forêt
Pour l’instant, nous cheminons sur des petites routes charmantes qui serpentent au milieu de champs de blé qui commencent à blondir et traversent quelques petits villages.
Dans l’un d’entre eux, nous faisons l’achat de pâtisseries, à l’esthétique toujours très raffiné et alléchante. Au goût, le résultat est parfois surprenant. La pâte de haricot rouge semble l’unique ingrédient connu pour fourrer leurs gâteaux …
Un peu plus loin, nous croisons tout un groupe d’écoliers à bicyclette, en uniformes et casques sur la tête qui nous saluent bien poliment d’une inclinaison de la tête.
Une vieille dame accrochée à sa poussette-déambulateur trottine à nos côtés un bout de chemin. Elle est très fière de nous dire qu’elle a 90 ans, nous sommes impressionnés par son allure, elle marche aussi vite que nous.
Et la route s’élève doucement avant d’arriver en forêt
D’immenses serres tapissent de blanc la campagne. Nous quittons enfin la plaine côtière agricole pour nous hisser vers les hauteurs montagneuses par une route en lacets le long d’une jolie rivière et dans un virage où nous faisions un stop, qui voit-on arriver ? Tomotaka ! Qui grimpe valeureusement, son énorme sac sur le dos. Finalement, il n’a pas eu le courage d’aller plus loin hier soir et a été hébergé dans un petit temple de Saijo. Il fait bien chaud aujourd’hui et la forêt qui nous entoure a un air tout à fait tropical. D’ailleurs, voici deux singes qui soudain traversent la route…
Avant d’attaquer la dernière montée par un sentier forestier, nous partageons notre pique-nique à l’ombre d’une hutte de bois avec Tomotaka aux côtés d’une famille de japonais qui profitent de leur dimanche pour partager cette ascension. De l’autre côté de la route, un grand singe, confortablement installé en haut d’un arbre déguste son feuillage tout en nous observant. La famille laissera une banane de reste, marquée comme o’settai sur la table en bois de leur pique-nique, sera-t-elle pour le prochain pèlerin ou un de ces primates de la forêt ?
Grimpette, dite « redoutable », en forêt
Nous revoilà sur un sentier bien raide pour terminer cette approche soit disant redoutable de ce temple « henro korogashi » (traduction : « culbuteur de pèlerin) »… Sans sac, ce n’est en fait que du plaisir, en dépit des marches de pierre du sentier.
Une carte de Shikoku à l’entrée du temple nous permet de visualiser tout le chemin parcouru. Nous sommes déjà tout en haut de l’île, 900 kilomètres derrière nous, à peine 300 devant nous !!! Cela me semble totalement surréaliste.
Le temple 60, Yokomine-ji, Pic latéral
Ce temple se situe à 700 mètres au-dessus du niveau de la mer sur le versant est du Mont Ishizuchi, point culminant de Shikoku à 1982 mètres d’altitude, qui est un des sept monts sacrés du Japon. Le lieu est réputé pour ses rhododendrons en fleurs en mai. Un immense mur de massifs de rhodos se dresse au-dessus des deux temples, mais nous sommes trop tôt dans la saison, les fleurs restent à venir. Dans quelques semaines effectivement le spectacle sera extraordinaire.
Nous rencontrons un couple de jeunes japonais avec leurs trois petits garçons, trop mignons avec chacun leur veste de pèlerins. Le plus jeune est craquant avec son petit chapeau façon panama. En attendant Bernard, j’observais amusée ce gamin, brûlant d’envie de le prendre en photo. Je n’ai pas pu d’ailleurs résister et me suis aussitôt excusée auprès des parents leur disant que leur fils était trop mignon et qu’ils formaient une belle famille. Touchés par ma réflexion, nous avons ainsi engagé la conversation en anglais et ils ont tenu à prendre une photo familiale avec moi. Le jeune papa m’a même demandé si j’avais un compte Facebook !
Redescente dans la forêt vers le niveau de la mer
Ils sont repartis vers le parking pour rejoindre leur auto et nous avons repris notre bâton de pèlerin pour redescendre par un chemin forestier charmant offrant des vues grand format sur un magnifique environnement montagneux et nous retrouvons une petite route jalonnée d’érables au creux de la vallée. Au pied de notre sentier, comme souvent de longs bâtons sont proposés pour les valeureux qui oseront affronter cette ascension.
Le temple 61, Kôon-ji
Nous parvenons au temple 61 dix minutes avant sa fermeture. Un bâtiment moderne en béton et métal brut monstrueux construit en 1976, portant le nom de temple du Jardin de l’Encens.
Il est fréquenté par les femmes venant prier pour une grossesse heureuse et un accouchement facile. La légende veut que Kukai arrivant en ce lieu vit une femme au milieu d’un accouchement difficile, il se mit en prière et, Oh miracle, la délivrance fut rapide et le bébé naquit en bonne santé !
L’intérieur ressemble à une vraie cathédrale avec d’innombrables sièges et non les tatamis habituels. Une statue de Bouddha doré d’une taille aussi impressionnante que le bâtiment accapare le regard. Des multitudes de photos de bébé tapissent les murs.
Business-ryokan ce soir, confort, gastronomie et nationaliste basque au programme !
Notre ryokan du soir, lui aussi très moderne est super, tout neuf et très fonctionnel, ils appellent ce genre d’établissement un « business-ryokan ». Les chambres sont minuscules mais nous y attendent, gentiment pliés, nos futons, couettes et draps immaculés et nos yukatas.
Nous dînerons à la table d’une famille de japonais parlant très bien anglais, faisant le pèlerinage à pied, en bus et en train, en compagnie d’un ami espagnol rencontré à Shikoku il y a quelques années. L’ami en question est un basque espagnol, grande gueule style Mr. Je Sais Tout, pas très sympathique. On se demande bien ce qu’il fait avec ces japonais bien éduqués et charmants…Venir au bout du Japon pour rencontrer un nationaliste basque, un comble !
Au menu du soir, du shabu, une sorte de fondue avec viande et légumes, délicieux ! Cela fait partie des grandes spécialités de la gastronomie japonaise. Nous en apprécions particulièrement les légumes, servis la plupart du temps avec tant de parcimonie Et pour clôturer cette belle journée, je parviens enfin à faire la réservation pour le 4 mai, chaînon manquant de la Golden Week à venir.