27 avril – J39 – 28 kms – Temples 56, 57, 58, 59
Petit-déjeuner au Lawson, suivi de quatre temples dont les trois premiers sont à peine à 2-3 kms de distance l’un de l’autre. Ce qui en général coupe pas mal le rythme de marche surtout en début de journée mais ces intermèdes sont tellement plaisants et ressourçants. Après tout, ils sont tout de même les éléments clefs de cette marche itinérante.
Le temple 56, Taisan-ji, la Montagne de la Paix
Toujours dans les faubourgs d’Imabari. Il fut lui-aussi détruit par l’aviation américaine en 1945 et donc reconstruit. Le chemin vers le temple 57, dans la campagne, est agréable.
Le temple 57, Eifuku-ji, la Bonne Fortune
Trois kms plus loin, lieu de prière pour la sécurité des gens de la mer.
Le temple 58, Senyu-ji, l’Ermite en Méditation
A 500 mètres d’altitude au sommet d’une montagne boisée, il se mérite. La montée par un chemin escarpé le long d’un torrent est éprouvante.
Mais la vue sur la plaine côtière, le golfe d’Imabari et la mer intérieure de Seto est une vraie récompense.
Le préposé au tampon, très sympathique prend le temps de m’expliquer sa page de calligraphie. Je n’ai pas tout compris mais j’ai acquiescé en prenant l’air le plus entendu possible, très reconnaissante de l’attention pédagogique de ce monsieur.
Rencontre avec un jeune pèlerin japonais, Tomotaka-San
Nous rencontrons Tomotaka, un jeune japonais parlant bien anglais, originaire de la région de Tokyo faisant le tour de Shikoku en mode « je dors où je me trouve ! » Son sac est encore plus impressionnant que celui de Bernard. Musicien et photographe, il est charmant et amusant ce garçon. La spontanéité et la connivence immédiate de ces rencontres fortuites et fugaces entre marcheurs et vrais haruki-henro sur le chemin ou dans les temples fait partie des grands bonheurs et de la magie de ce voyage. Et lorsqu’on se recroise quelques heures ou quelques jours plus tard, c’est chaque fois cette délicieuse impression de retrouver des amis de longue date.
A la sortie du temple 58, nous choisissons un chemin secondaire qui s’avère rapidement très mal balisé… Tomotaka nous emboîte le pas, ainsi qu’un autre japonais. Nous cheminons quelque temps ensemble, Bernard est décrété guide du moment, un comble, le français sert de guide aux deux japonais !
Nous ferons un stop déjeuner dans un restaurant de udon, drôlement bienvenu. Nos deux compères nous avaient précédés et nous ferons une petite place à leur table, ainsi nous court-circuiterons la file d’attente, sous l’œil outré des japonais arrivés avant nous… corroborant ainsi la réputation de mal éduqués des occidentaux. Tant pis, j’ai faim et je suis fatiguée ! Nos udon-curry sont délicieux.
Le temple 59, Kokubun-ji
Le bitume de la route est au programme de l’après-midi pour atteindre le temple 59, Kokubun-ji, dégradé au fil du temps par cinq incendies. Nous y sommes accueillis par les visages rieurs des Shichi Fukujin, petites statues des sept divinités du bonheur communes au shintoïsme et au bouddhisme.
Et nous voici perdus dans les rizières …
A l’entrée de Saijo-city nous retrouvons à nouveau nos deux compagnons du jour. Tomotaka a encore pas mal de route à faire, il a une dead-line à respecter pour ce pèlerinage aussi doit-il avancer. Il n’a pas la chance de progresser comme nous, en nomades au jour le jour sans se soucier du temps que cela prendra. Quant à son compagnon de route, il doit prendre un train et se propose de nous mettre sur le chemin de notre auberge du soir. Innocemment, nous acceptons. Le voilà qui branche son Google-map et nous partons dans la direction opposée où nous pensions devoir aller…
Je n’ai pas très confiance en ce guide improvisé qui ne me parait guère dégourdi et qui suit aveuglément le chemin indiqué sur son téléphone comme si nous étions dans une grande ville. N’osant pas lui faire perdre la face en refusant son aide, nous le suivons. Rapidement nous nous retrouvons au milieu des champs, en dehors même de tout sentier ! Mais notre demeuré continue d’avancer, les yeux rivés sur l’écran de son portable. J’ai beau râler derrière, Bernard persiste à vouloir suivre cet innocent.
Nous sommes enfin stoppés par un canal, Google-map n’a pas prévu la barque pour traverser ! Deux paysans travaillant sur l’autre rive sont morts de rire en écoutant notre japonais leur expliquer sans doute notre situation. Effectivement, nous sommes comme trois crétins au milieu des champs et ces locaux n’ont pas tort de se ficher de notre tête ! Bref sur leurs conseils, nous rebroussons chemin pour nous hisser en haut du remblai de la voie ferrée que nous traversons en toute illégalité. Une fois sur la route, nous nous débarrassons prestement de notre compagnon qui insiste encore pour nous conduire. Cette fois, c’est Non, Arigato gozaimashita, Sayonara et Bon débarras !
Accueil un peu laborieux ce soir, mais très efficace !
Notre ryokan du soir est perdu dans un faubourg de la ville, normal que nous ayons eu du mal à le dénicher. C’est une maison bien rustique, tenue par une vieille dame pas très souriante avec laquelle la communication s’avère tout de suite laborieuse… Elle ne connait pas Google-translate ! Nous sommes immédiatement envoyés au furo et le dîner tout de suite après ! Son ton autoritaire ne donne guère l’envie ni le loisir de ne pas nous exécuter…
Nous sommes les seuls clients apparemment et avons le sentiment de ne pas être vraiment les bienvenus. Nous préférons en rire et interpréter cet accueil réfrigérant comme une incapacité à savoir se comporter vis à vis des étrangers. Je finis par comprendre qu’il n’y a pas de lave-linge à usage libre disponible, c’est elle qui s’occupe du linge sale. Je lui confie donc notre panier, elle me le rendra effectivement lavé, séché, plié après le dîner !
Elle nous organise également sans problème le transport de notre sac pour le lendemain, le temple 60 se trouvant à 700 mètres d’altitude. Nous craignions un refus catégorique à cette demande et bien non, cela lui parait tout à fait naturel à notre grand soulagement.
Le dîner est servi dans sa salle à manger, au ras du sol comme d’habitude. Un amoncellement de bibelots hétéroclites encombrent les meubles et les étagères, témoins de toute une vie et la poussière n’a pas dû être faite depuis belle lurette… Depuis ce matin, les températures ont chuté et il fait un froid polaire dans cette maison pleine de courant d’air. Mais pour la première fois, nous aurons de la salade et quatre fraises chacun au dessert.
Les O’settai du jour
Un habitant d’Imabari qui fait l’ascension du temple 58 trois fois par semaine pour se maintenir en forme nous offre des biscuits à la crevette… redoutable!!. Il doit s’ennuyer ferme ce pauvre homme car nous l’avons vu engager la conversation avec tous les haruki-henro de passage. A la sortie du temple 59, nous recevrons des petites serviettes, l’usage de ces rectangles de coton ou d’éponge est très commun ici au Japon. Sur le pèlerinage on s’en sert pour s’essuyer les mains après l’opération purification à la fontaine à l’entrée de tous les monastères ou pour s’éponger le front s’il fait chaud. Nous en ramènerons toute une collection. Dans ce même temple, un pèlerin comme nous, nous offrira une pièce de 500 yens dans une jolie pochette en papier, o’settai un peu surprenant. Quelle intention donner à cet argent ? Nous en ferons cadeau à un prochain temple.
Où sommes nous ce soir?
Dans la partie Nord Ouest de l’île, bien avancés dans notre périple, et dans une zone dense en temples comme on peut le voir sur la carte du pèlerinage :
Quelques mots sur l’auteur
Le 20 mars 2019, Catherine, co-fondatrice de CouleurSenior, s’engageait avec son mari dans une longue marche, le Pèlerinage de Shikoku, une île au sud du Japon. Ils ont 63 ans chacun, n’ont jamais vécu au Japon, ne parlent pas japonais, ne sont pas bouddhistes. Bien que marcheurs réguliers, ils ne se sont jamais lancés sur une si longue distance : 1 200 km sur un circuit historique de 88 temples.
Dans cette période actuelle de confinement, Catherine nous a proposé de partager au jour le jour leur aventure, physique, culturelle et spirituelle. Exactement un an après, suivons leurs pas et découvrons avec eux cette île et le quotidien des pèlerins dans un monde inconnu. Atteindront-ils le Nirvana promis aux pèlerins qui atteignent le quatre-vingt-huitième temple ? Nous le découvrirons au fil des jours à venir ….