14 avril – J26 – 33 kms
Une longue journée de marche s’annonce, du bitume, pas de temple.
La photo qui intrigue …
Ce matin en prenant notre petit déjeuner, je suis intriguée par une photo accrochée au mur sur laquelle je pense reconnaître Jules et Micheline, ces québécois avec lesquels nous avions longuement échangé via Skype en 2014 quand nous projetions de faire ce pèlerinage en partant des USA. La personne qui m’avait adressé le road-book à l’époque commandé par internet, m’avait transmis leurs coordonnées car ils venaient de terminer ce pèlerinage. Et Jules m’avait envoyé pas mal de conseils sur l’itinéraire et les hébergements de la première semaine de leur voyage. J’avais conservé ses messages précieusement et les ai ressortis en début d’année pour préparer notre périple. Nous avons d’ailleurs suivi à la lettre les conseils de Jules et je venais de lui adresser un message pour le remercier. Il m’avait répondu immédiatement joignant une photo d’eux deux en vacances en Floride. Aussi avais-je encore en tête leurs visages.
Une hôtesse appréciée, même depuis le Québec !
Notre hôtesse questionnée sur cette photo affichée au mur me confirme qu’il s’agit bien de deux pèlerins canadiens ayant fait un stop chez elle en 2013 ! Incroyable !!! J’ai donc pris une photo de nous deux avec elle devant la photo et l’ai envoyée à Jules qui m’a répondu aussitôt, il se souvenait parfaitement de cette auberge et de son adorable gérante. Oui, encore une femme merveilleuse dont nous avons bien apprécié la cuisine. Sa soupe hier soir avec les herbes du jardin était délicieuse ainsi que le verre de lait au yuzu servi ce matin au petit-déjeuner et son thé à la menthe fraîche, j’en ai d’ailleurs rempli ma poche à eau.
Les levers de soleil de chez elles sont magnifiques, nous avait-elle confié hier soir, elle en collectionne les photos. Bernard, ce matin, sur ses conseils, s’est levé à 5h30 pour assister à l’un d’eux mais aujourd’hui le soleil s’est levé derrière les nuages, malheureusement… Elle nous offre avant de partir une de ses photos et un timbre de sa collection. Au dos de la photo, elle nous calligraphie superbement son nom à la plume.
Un vrai temps pour escargots, mais pour les pèlerins, c’est autre chose …
Il pleut, nous nous attardons, guère enthousiasmés d’attaquer la journée sous des cieux si sombres. Okada, équipé de ciré orange de la tête aux pieds, m’offre gentiment ses guêtres. Il part pour le temple 38, notre étape d’avant-hier. Il faut bien malheureusement quitter ce lieu chaleureux… Notre itinéraire ce matin suit une petite route en bord de rivière, traversant la forêt.
Pas une âme qui vive, pas un abri durant 5 heures, sous une pluie bien dense en continu… l’horreur. Deux heures plus tard, je suis trempée, mon vieux coupe-vent-imper n’a pas résisté à tant de litres d’eau, ni les guêtres, ni les chaussures transformées en barques…
Je marche d’un bon pas dans l’espoir de trouver un abri, en vain, je me sens vraiment mal, je suis trempée jusqu’à la culotte, je râle, je peste, je maudis Kukai, Shikoku, le ciel… J’en pleure ! Bernard marche derrière serein et tranquille, bien protégé par son imper tout neuf en Goretex et beaucoup plus philosophe et sage à l’encontre des éléments… Cette petite route forestière déserte en bord de rivière au travers de ce rideau de pluie est certainement ravissante mais je me sens tellement mal que je suis insensible à toute esthétique.
Accueil chaleureux dans une guest-house perdue au milieu de nulle part
Nous nous réfugions enfin dans une maison abandonnée et repérons sur notre guide une guest-house à proximité que nous décidons de rejoindre. Il nous reste 15 kilomètres à parcourir avant notre prochain hébergement mais je refuse de faire un pas de plus sous cette pluie ! La guest-house en question, perdue au milieu de nulle part m’apparait comme un havre de paix et de réconfort, son hôtesse a tout de suite compris à ma tête que je n’allais pas fort. Je me déleste de mes vêtements et chaussures détrempés. Trois jeunes gens déjeunent sur place dont une italo-américaine vivant au Japon qui nous servira d’interprète. Nous commandons du thé et une soupe chaude qui, pour notre hôtesse, seront hors de question de payer à notre départ, o-settai !
Nous aimerions bien rester ici pour la soirée et la nuit mais nous avons déjà réservé ailleurs et il est très incorrect d’annuler au dernier moment. Bernard repartirait bien à pied mais pour moi c’est hors de question. Notre hôtesse commande donc un taxi et après avoir essoré tant bien que mal chaussettes et chaussures, nous quittons cette petite dame adorable qui m’a re-boostée. Je lui fais un grand hug spontanément, trop touchée par ses attentions à mon égard et son hospitalité bienveillante. Elle répond très émue à cette accolade si peu dans les conventions relationnelles de ce pays où l’on ne se touche pas. Quelque chose au-delà des mots s’est passé entre nous, et nous l’avons ressenti chacune à notre manière. Cette détestable matinée de pluie que j’ai si mal vécue aura permis cette belle rencontre que je ne suis pas prête d’oublier.
Et nous revoici au sec, enfin!
Nous arrivons ainsi en tout début d’après-midi à notre ryokan, un établissement bien vétuste mais bon, nous sommes au chaud et au sec ! Je me suis quasi ébouillantée avec délice dans le furo. Nous avons le plaisir de retrouver notre ami Hiroyasu, ce vieux monsieur au regard si doux qui m’avait offert une orange au sommet d’un col il y a quelques jours. Dîner à 17h45 ! J’ai reçu un message d’André, notre ami québécois qui nous demande où nous sommes. Il nous dit être au Cap et, comme il pleut, il y reste. Sage André ! Il est 8 heures du soir et il n’a toujours pas cessé de pleuvoir depuis ce matin. La météo nous annonce le soleil pour demain matin …
Où en sommes-nous de notre pèlerinage ?
Notre étape de ce soir est très proche du temple 39, que nous visiterons demain matin. Pour le moment, nous sommes au point rouge sur la carte ci-dessous, presque à la moitié de notre parcours, au sud-ouest de l’île, presque à l’opposé de notre point de départ. Nous commençons la remontée vers le Nord de l’île et avons quitté la côte de l’océan Pacifique. Nous quitterons très bientôt le « Chemin de l’Ascèse » pour atteindre le « Chemin de l’Illumination ».