05 avril – J17 – 26 kms – T31, 32, 33 & 34
Nous quittons rapidement les faubourgs de Kochi pour nous élever vers des hauteurs de verdure apaisantes après cet épisode urbain.
Le jardin botanique Makino
Notre sentier traverse un cimetière à flanc de coteau, ombragé de cerisiers en fleurs puis nous pénétrons dans un jardin. En fait notre chemin d’henro traverse le jardin botanique Makino de Kochi absolument ravissant, une explosion d’arbres en fleurs et nous sommes seuls dans ce petit éden réchauffé par un doux soleil matinal. Du nom de son fondateur, Tomitaro Makino (1862- 1957), considéré comme le père de la botanique japonaise, ce jardin est aussi un centre de recherche pour scientifiques, il couvre 6 hectare où serpentent de ravissants chemins fleuris. Nous ferons abstraction des serres et du musée, il faudrait y passer la journée complète ! Mais nous ne sommes pas ici dans une optique touristique, avoir eu l’opportunité de cheminer au cœur de ce jardin constitue déjà un privilège inouï, Kukai n’a pas eu cette chance.
Le temple 31, Chikurin-ji, la Forêt de Bambou
Et nous voilà au temple 31, Chikurin-ji, la Forêt de Bambou, au sommet du mont Godaisan, offrant une belle vue sur la ville et la baie d’Urado. Le jardin comme d’habitude est un vrai enchantement de tranquillité. En fait chacun de ces temples, même pour des mécréants comme nous est une source de paix et une bouffée régénérante. La pagode d’origine fut emportée par un typhon en 1899. L’actuelle, qui à cinq étages, date de 1980.
Le temple 32, Zenzibu-ji, le Pic du Maître Chan
Six kilomètres plus loin, après un chemin de sous-bois dévalant une pente rocheuse, nous retrouvons le bitume au milieu de rizières enjambées par un énorme pont de béton. Un joli chemin forestier grimpant parmi les bambous nous conduit au temple 32, Zenzibu-ji, le Pic du Maître Chan qui domine la mer.
Depuis deux jours, c’est une explosion de cerisiers en fleurs et une succession de rizières en cours d’ensemencement avec leurs drôles de petits tracteurs, certaines coincés entre deux nœuds routiers. Pauvres paysans, hier en pleine nature, aujourd’hui, condamnés à exploiter leurs parcelles au milieu du trafic routier avec le bruit et la pollution en prime.
Traversée de la baie, en ferry !
Et puis à nouveau la route… avant d’atteindre le petit port où nous devons emprunter un ferry pour traverser la baie. Il n’y a qu’un ferry par heure, nous y arrivons avec 40 minutes d’avance en début d’après-midi. Une baraque misérable au fond d’une rue, une énorme grille fermée sur une digue, pas un rat et aucune visibilité sur l’eau ! Nous patienterons gentiment dans ce lieu où il n’y a rien à voir et rien à faire sur le seul banc disponible. Et puis soudain, la grille s’ouvre, quelques passagers débarquent et nous accédons au ferry, nous sommes trois dont nous deux !
Juste avant d’atteindre le temple 33, nous faisons un stop fort sympathique dans une halte pour henro où deux jeunes femmes offrent café, thé, petits gâteaux et tranches de pamplemousse. Leur thé vert est délicieux, comme d’habitude c’est le succès assuré avec nos « furansu-jin des » et Paris !
Le temple 33, Sekke-ji, la falaise Enneigée
Pas le temps de s’attarder au temple 33, Sekke-ji, la falaise Enneigée. Nous voulons arriver au temple 34, sept kilomètres plus loin, avant sa fermeture. Mission accomplie, il nous reste un quart d’heure pour accomplir notre rituel et surtout obtenir notre page de tampons et calligraphie. Tanema-ji, les graines de semis. La légende raconte que le Kobo Daishi a planté ici cinq types de graines, dont le riz, le blé et le millet, ramenées de Chine.
Nous y retrouvons André, un québécois croisé ce matin. Il dort ce soir dans une pièce mise à disposition des henro par le temple.
Quant à nous, il nous reste deux kilomètres pour rejoindre notre hébergement beaucoup plus luxueux, l’hôtel- spa Haruno.
Hôtel-spa ce soir, et relaxation dans un onsen
Le bonheur absolu cet onsen ! Nous découvrons avec délice les bains chauds extérieurs, un bouillonnant où on s’allonge comme dans une chaise longue et un second bassin dans un écrin de verdure. Je suis toute seule. S’immerger dans cette eau naturelle très chaude au cœur de cet environnement où se mêlent dans la plus parfaite harmonie le minéral et le végétal avec seul le ciel au-dessus de sa tête est un moment indicible de parfait bien-être dans lequel je m’abandonne en pleine conscience. La fatigue de notre longue et éprouvante journée de marche se volatilise comme par enchantement.
Et pour parfaire cette soirée, un dîner udon et tempuras !
Petit lexique
- furansu jin : « français » en japonais
- haruki henro : pèlerin à pied
- henro : pèlerin
- onsen : bain thermal chaud dont l’eau est essentiellement issue de source volcanique.
- tempura : beignets de légumes ou fruits de mer. Servis chauds, c’est un délice.
- udon : les udon sont des pâtes de farine de blé tendre, les plus épaisses des pâtes japonaises : 2 à 4 mm de largeur.
Quelques mots sur l’auteur / autrice
Le 20 mars 2019, Catherine, co-fondatrice de CouleurSenior, s’engageait avec son mari dans une longue marche, le Pèlerinage de Shikoku, une île au sud du Japon. Ils ont 63 ans chacun, n’ont jamais vécu au Japon, ne parlent pas japonais, ne sont pas bouddhistes. Bien que marcheurs réguliers, ils ne se sont jamais lancés sur une si longue distance : 1 200 km sur un circuit historique de 88 temples.
Dans cette période actuelle de confinement, Catherine nous a proposé de partager au jour le jour leur aventure, physique, culturelle et spirituelle. Exactement un an après, suivons leurs pas et découvrons avec eux cette île et le quotidien des pèlerins dans un monde inconnu. Atteindront-ils le Nirvana promis aux pèlerins qui atteignent le quatre-vingt-huitième temple ? Nous le découvrirons au fil des jours à venir ….